Dans Popeye de Chypre le narrateur veut ramener sa mère morte à Chypre en 1979. Il sait bien qu’elle préfèrerait être enterrée dans la banlieue d’Alger avant les accords d’Évian. Mais Popeye a beau être un authentique voyageur spatio-temporel, il n’en reste pas moins un homme de gauche. Et il refuse d’entendre parler de « Retour en Algérie Française ». Pour diverses raisons, Nicosie 1979 lui semble une bonne solution de compromis entre Bab-El-Oued 1962 et Le Mans 2013 où sa mère est censée être incinérée. Même avec les morts, pense-t-il, il faut tenter d’établir des accords raisonnables.
Le livre commence là – avec ce détournement fantastique de funérailles. Dans quelque chose qu’on pourrait appeler de l’Auto-Science-Fiction ou de l’ASF. Car si l’autofiction traditionnelle n’est pas nécessairement un genre bourgeois, il est probable du moins que le projet de Popeye (en tant que récit de transclasse) réclame des détours plus brutaux, des décrochages plus impurs, que les diversions narratives ordinaires. Et de fait tout est bon ici pour voyager. Du fauteuil de salon de H.G. Wells à la madeleine de Proust, de la DeLorean de Zemeckis aux poèmes de Cavafy. Le narrateur est prêt à tout pour décoller.
Et Popeye va tout essayer. Mais rien ne fonctionne. Et ce n’est pas seulement que les machines inventées ne parviennent pas à l’emmener où il voudrait aller. C’est plus profondément l’essence, le moteur, le potentiel picaresque de l’aventure, qui semble ici épuisé pour de bon. Chaque départ de fiction s’évente rapidementet cède la place à une sorte d’aplat narratif. Un pur mashup de sensations. Au point qu’il faille se rendre à l’évidence : ce qui voyage dans Popeye ce n’est pas du tout ce qu’on espérait (un héros encore, un bourlingueur) mais un corps défait sans profondeur. Juste une plaque sensible.
Popeye de Chypre existe ainsi entre un surrégime fictionnel (l’ASF) et un sous-régime poétique (les mashup). Il ne cesse de faillir à sa promesse d’aventure pour délivrer idéalement quelque chose d’autre : des morceaux de monde (Athènes,Izmir, Syros, etc.) découpés dans le noir comme des îles flottantes. Jusqu’à l’île dernière de Chypre. Chypre est le lieu où le narrateur a décidé d’arrêter le voyage et d’enterrer la mère morte. C’est l’endroit désigné, depuis le début, pour inscrire la fin de l’histoire. Ou son équivalent. Et cet équivalent se révèle être ici la répétition amplifiée de la catastrophe – personnelle, politique, écologique. Heureusement pour Popeye, Chypre est aussi une arche.
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Editeur : éditions MF
Collection : Inventions
Publication : 11 mars 2021
Intérieur : Noir & blanc
Support(s) : Livre papier
Poids (en grammes) : 200
Langue(s) : Français
EAN13 Livre papier : 9782378040307